C’est mon choix
Tous les jours à la télévision une fille sensée entreprend le courageux répertoire des pathologies mentales en France. Audacieux. C’est sur ARTE ? Non, c’est sur France 3 et ça s’appelle C’est mon choix.
Enfin une émission d’utilité publique qui réjouit tous les professionnels de la psychiatrie, les psychologues et les psychanalystes de tous bords, qu’ils soient freudiens, junguiens ou lacaniens. Tous les soirs, à 20 h 20 (eh oui, si vous regardez, c’est que vous ratez Moustic), les cas les plus avérés de maladies mentales défilent et interrogent à leur insu le regard exercé des spécialistes en troubles psychiatriques. Il paraît qu’à Sainte-Anne, les jeunes internes se battent et donnent du coude pour regarder l’émission. Emmené par une présentatrice seule représente de la raison la plus extraordinairement banale, devant un public hystérique qui crie et siffle inconsidérément, des individus d’apparence « normale » viennent dévoiler le fin fond de leur folie cachée.
La poubelle de Jean-Luc Delarue
Le responsable et le principal fournisseur en cas-cliniques de l'émission n’est ni plus ni moins que Jean-Luc Delarue, bien connu des chefs de services, qui envoie à sa collègue en blouse blanche de France 3 tous les énergumènes hard-core qui n’ont pu faute de contrôle suffisant témoigner à Ça Se Discute. Les patients sont gravement atteints et les phrases terribles : « Je parle à mon iguane », « j’ai cinquante ans et je m’habille comme ma fille », « je mange des insectes vivants » ou « je mange des cailloux », « je suis le sosie de quelqu’un de connu » ou encore « Pour économiser de l’argent, je ne prends que des douches… dans le noir. » Pour plus de clarté, les malades sont heureusement regroupés par thèmes tels que « Je vis avec un animal sauvage », « Je suis extrêmement économe », « Je suis misogyne », « Je n’aime que les gros seins », « Je n’accepte pas mon âge », etc. Ce qui facilite, on en conviendra, la compréhension clinique.
Je suis complètement taré… et c’est mon choix
Un seul bémol à cette respectable entreprise d’écoute de la souffrance humaine, c’est son titre et son leitmotiv. Enfin, Évelyne Thomas (c’est le nom de l’infirmière générale qui présente les patients), peut-on raisonnablement dire d’un malade atteint de psychose ou de névrose caractérisée qu’il ait « choisi » sa maladie ? Le fou a-t-il vraiment le choix de sa folie ? Peut-on envisager un individu qui se dise : « voilà, entre être magnanime, flambeur magnifique, dispendieux et généreux, ou économe, radin, picsou et misérable, je crois qu’à la réflexion je choisis d’être un enculé » ? Non, voyons, ces personnes souffrent, sont prisonnières de leurs troubles, et n’ont pas choisi leur prison. Courage, Évelyne, ta sagesse innée et ton bon sens commun viendront à bout de toutes les folies, même télévisuelles.
