Textes en liberté

Textes en liberté est un recueil d'écrits – pour partie parus dans la revue Social-Traître, pour partie inédits  – où il est question de la mode du Bouddhisme, de la valeur du ressentiment, de l'inflation du rire, de la vérité du vin, de la profondeur de l'ivresse et d'une rupture inouïe de toutes les catégories de la pensée.
L'intégralité du recueil en libre accès

Eloge du ressentiment

Les démarches visant à désamorcer la critique de notre société sont multiples et diverses et celle consistant à taxer de ressentiment celui qui la porte n’en est pas des moindres. Que l’on juge un peu sévèrement les travers de notre temps, que l’on élève un tant soit peu la voix contre l’inanité et la grossièreté de notre époque, que l’on tente de s’opposer autant qu’il est possible à l’état de fait, à l’ordre des choses – cette fameuse « réalité » que l’on veut à tout prix nous faire accepter –, bref, que l’on se mette en position de refus par rapport à ce qui est, et nous voilà immédiatement traité d’aigri, de jaloux, suspecté illico presto d’être animé par le ressentiment et l’amertume.

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Bouddhisme et Profit

La mode du bouddhisme en occident et tout particulièrement aux États-Unis ces dernières années ne doit rien aux martyrs tibétains et à ses descriptions hagiographiques hollywoodiennes illustrant avec style et esthétisme la souffrance de ces moines torturés ou massacrés en toute impunité par l’armée chinoise. L’influence grandissante qu’exerce cette « religion » millénaire n’est en effet nullement une résurgence ou une répétition de l’exemple chrétien : que des hommes meurent pour leurs idées ne suffit plus à inspirer la foi et n’emporte plus l’adhésion des foules. Non, si le bouddhisme marche si bien dans nos sociétés occidentales, c’est que sa caricature s’y est propagée et a servi à son insu un style de vie souvent à l’opposé de son enseignement.

 

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Et vous trouvez ça drôle ?

Il en va du rire comme du cul. Dans nos sociétés où tout se vend et où tout finit par prendre, à plus ou moins court terme, une valeur marchande, il eût été étonnant que le rire – l'expression physique de la dérision, du recul, bref, de l'esprit critique – échappât à la règle. Chaque jour, donc, on s'empresse de nous revendre ce dont précisément la vie quotidienne nous a dépossédés. Et le cynisme et la cupidité avec lesquels le procédé est reproduit ne sont pas loin d'atteindre et de dépasser l'obscénité de l'industrie pornographique.

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Profondeur de l’ivresse

Photos décalées, publicités hallucinées, montages de films ou de clips ultra-speed, musiques électroniques extasiées, humours TV haschischins, sportifs speedés, top-modèles livides comme en redescente : une esthétique de la défonce s’est peu à peu installée dans notre culture ; l’addiction est devenue un mode de vie, un certain rapport au monde et aux autres dont on peut constater chaque jour la progression dans les médias, cet ensemble d’images ne faisant que renvoyer à des habitudes de consommation dans lequel chacun se reconnaît ou s’identifie.

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In Vino Veritas

Contrairement à d’autres religions, L'Ancien Testament ne condamne pas l’alcool ; le vin fait partie intégrante du quotidien, considéré comme un symbole de vie, et va jusqu’à devenir avec Le Nouveau Testament un élément essentiel de la liturgie chrétienne. Mais les textes sont formels, aimer démesurément « le sang du Christ » ne délivre pas pour autant le buveur de ses péchés, bien au contraire. À vrai dire, le vin est envisagé dans la Bible de façon ambivalente, il est tour à tour décrit comme source de joie et de malheur, de salut et de perdition, de vie et de mort. Toujours équivoque, sa consommation relève de l’épreuve, qui met littéralement à nu la nature profonde de celui qui s’y soumet.

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Rupture des catégories. Une explosion

Acceptez la proposition d’un inconnu qui vous invite à un acte irresponsable. Suivez son invitation, il vous convie ni plus ni moins à une autre utilisation de votre cerveau, à une expérience incongrue et peut-être irrémédiable, aux séquelles innombrables ; à quelque chose de terrible qui modifiera probablement à jamais votre vision du monde. Des répercussions sur le corps et sur l'entourage sont à prévoir, les effets secondaires et indésirables indéfinis.

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BIOGRAPHIE

Frédéric Gournay est né en 1969 et habite Paris. Il est auteur de romans (La course aux étoiles, Le mal-aimant, Contradictions, Faux-Frère), de divers essais (sur Rimbaud, Nietzsche, Céline, Gauguin, Flaubert, Guy Debord ou encore Pierre Guyotat). Il a également publié dans la presse et sur internet des articles et des critiques, rassemblés dans des recueils intitulés Chroniques des années zéro, Textes en liberté et Futurs Contingents.

Portraits de social-traîtres
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