Chroniques des années zéro
Sémantique de l’énoOorme
À la télé, au boulot, entre amis, on ne dit plus « c’est très bien », « c’est très bon » ou « c’est très beau, ça », désormais, on dit : « C’est TénoOorme. » Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Tentative d’explication socio-psychanalytique non exhaustive et pas très sérieuse.
L’érotisme caché des sites féminins
Les sites les plus excitants au plus grand potentiel masturbatoire ne sont pas ceux que l’on croit. Ce ne sont pas ejac-facial.com ou le site des-femmes-amputées-en-bas-résilles (oui, ça existe ; non, je ne vous donnerai pas l’adresse) mais bel et bien les forums de discussions sur la sexualité de sites très respectables consacrés à « l’Éternel féminin. »
Le faux décryptage de Culture Pub
Contrairement à ce que Beigbeder prétend un peu partout, la pub ne ment pas, ne triche pas, ne truque pas ; elle est limpide, elle est tellement conne qu’on n’a besoin de personne pour la « lire. » Pourtant, tous les dimanches soirs depuis dix ans sur M6, deux gros s’évertuent à penser le contraire.
Opérap futuriste et Hip-hop anarchiste : DELTRON 3030
Les Américains sont fantastiques. Ils arrivent à tout nous revendre, y compris leur propre frustration.
Fatigué de la société de consommation ? Perdu dans le gros intestin de son ventre repu ? Ne vous inquiétez pas, des tas d’objets consommables sont à votre disposition pour assouvir votre insatisfaction chronique. L’achat sera compulsif, la satiété provisoire, mais vous aurez eu l’impression – pendant peut-être de longues secondes – d’avoir très sincèrement désiré tout foutre en l’air et voulu changer le monde. On lit Bret Easton Ellis, on mate Fight Club, on écoute Deltron 3030, et nous voilà redevenus de dangereux révolutionnaires par procuration, qui déclament sans faillir que la démocratie américaine est un leurre, que le racisme est la première religion des États-Unis et que le virtuel fait disparaître les corps de peur qu’ils ne se désirent.
Snoop Dogg – Tha Last Meal
Incroyablement sensuel, lascif et salace, le dernier SnoopDogg est à la hauteur de sa (mauvaise) réputation, et démontre avec élégance que les bandits ne sont pas ceux que l’on croit.
« Snoop Dogg fait son grand retour. » Ce n’est pas un slogan d’une pub de la maison de disque ou une suggestion plus ou moins obligée de dossier de presse, c’est une réalité tangible, tenable entre les mains et les oreilles, et qui porte le nom évangélique de Tha Last Meal. Pochette bad draw, gros son de l’inévitable Dr Dre, « biiittch », « Gun » et « mothafucker » à toutes les rimes, alcools et blunts à chaque refrain, jusqu’au What’s My Name repris en part two, tout est fait dans l'album pour rappeler le mythique et fondateur DoggyStyle, album prodigieux qui permit il y a quelques années à Snoop Dogg de s’imposer dans le milieu des affaires musicales.
Taxe Tobin : néo-libéraux et extrémistes de gauche main dans la main
A priori sympathique, ce projet d’une taxe mondiale sur la spéculation qui veut prendre aux riches pour donner aux pauvres pourrait avoir des effets désastreux sur l’économie des pays en voie de développement. Surtout, elle ne pourrait être qu’une hypocrisie supplémentaire, la énième mesure cynique d’Occidentaux désireux de se donner bonne conscience à peu de frais.
Comment je suis devenu terroriste grâce à Internet
Il y a des matins comme ça où l’on a envie de tout foutre en l’air, de tout faire sauter et d’endosser, pour changer, le destin tragique d’un homme d’une seule idée. Seulement voilà, se faire le héros d’une cause martyre, ce n’est pas à la portée de tout le monde. Heureusement, grâce à Internet, n’importe quel Occidental comme moi un peu déprimé et bouffi de remords tiers-mondistes peut devenir, en quelques clics, un dangereux ennemi public numéro 1.
EXPERIENCE. Aujourd'hui, maintenant
On avait crié au scandale à l’annonce de la séparation de Diabologum, maintenant on ne compte plus son bonheur ; après le fulgurant Mon cerveau dans ma bouche du janséniste groupe Programme, voici l’autre partie, Experience et son jouissif Aujourd'hui, maintenant, version épanouie et lucide des intransigeances passées.
MENDELSON. Quelque part
Il y avait la littérature de Michel Houllebecq, l'esthétique des grands ensembles, la « métaphysique de banlieue » ; voici désormais la musique de Mendelson, possible illustration avec son acoustique de cité et ses guitares périphériques des Particules élémentaires. Avec Mendelson, pas de breaks qui tuent, de solos renversants ou de performances vocales, tout est en nuances électriques, en délicates monotonies rythmiques ; entre le parlé et le chanté, racontant avec une émotion touchante l’existence des personnes de peu de vie, leurs abandons, le manque, le vide ou l’absence, non sans une ironie discrète qui prévient toute affliction.
L'homme qui ne voulait pas parler, Vincent Chauvier
Le patron de Lithium est un personnage hors du commun parmi la faune carnassière des producteurs. Méprisant ouvertement les enjeux de la promotion comme les exigences du format commercial, il a réalisé depuis ces dix dernières années les plus belles signatures du paysage musical français, de l’impeccable Dominique A jusqu’aux regrettés Diabologum, en passant par la discrète Françoiz Breut ou l’ahurissant groupe Programme.
Serge Tessot-Gay - On croit qu’on en est sorti
Tentant le mariage du texte et de la musique, du phrasé et des machines, le guitariste de Noir Désir échoue lourdement là où le groupe Programme avait magnifiquement réussi.
Doctor L - Temple on every street
Compositeur parfois redondant d’Assassin mais aussi producteur impeccable de Rodolphe Burger, Doctor L sort enfin son véritable premier album et réussit une rencontre aussi improbable que brillante entre Daktari et Cosmos 1999.
Laconic - Pensées en escalier
Provenant d’univers musicaux où l’on n’est pas habitué à dire « je » (BO de films, techno ambient), Nicolas Haas prend derrière le doux pseudonyme de Laconic le risque d’être prolixe.
Primaa - le théorème des ondes
On connaissait Nicolas Haas, alias Laconic, pour son album chanté Pensées en escaliers, repéré et chroniqué ici même pour sa singularité et le courage de sa retenue ; le voici de nouveau sous notre attention avec Primaa, version instrumentale et cinématographique de ses intériorités tourmentées.
Que faire après la mort?
Dans nos sociétés, on ne croit plus à rien, du coup, on ne sait plus quoi faire au moment de mourir. C'est bête. S'incinérer ? d'accord, mais où jeter les cendres et comment garder une trace ? De nouveaux rituels funéraires émergent peu à peu, de nouvelles modes apparaissent et, comme toute mode, il y en a de très connes.
L’ineptie insondable de la Météo
Quand la météo ne se trompe pas, elle passe son temps à entourer son discours d’une caution pseudo-scientifique qui n’explique rien. On ne regarde plus le ciel, on regarde une conne parler d’anticyclones.
Le nouveau ton « décalé » de la télévision
Comment peut-on s’ennuyer en regardant la télévision ? C’est impossible, avec tous ces animateurs-producteurs tellement drôles et surtout tellement libres et indépendants de tout pouvoir. Que d’impertinence, d’effronteries et de galéjades à l’égard des hautes sphères ! Ils vont même jusqu’à railler leurs propres dirigeants de chaîne ; la « droite » ligne n’existe plus, pas même éditoriale, tout le monde maintenant est « décalé. » Et vers la gauche de préférence.
C’est mon choix
Tous les jours à la télévision une fille sensée entreprend le courageux répertoire des pathologies mentales en France. Audacieux. C’est sur ARTE ? Non, c’est sur France 3 et ça s’appelle C’est mon choix.
Le zapping de l'insomniaque
Impossible de dormir ? On allume la télé et là, c'est l'indicible, ou l'hallucination surréaliste : pêches et chasses, redif' de Laurent Boyer, reportages incompréhensibles, clips invisibles le jour, etc. De quoi faire de drôles de rêves. Récit d’une nuit blanche à dormir debout.
Comment trouver l’âme sœur sur Internet ?
Avant, pour remédier à la solitude, il y avait la télévision, l’alcool, la drogue et les médicaments – ou les quatre ensemble conduisant parfois malencontreusement au suicide. Désormais, il y a Internet. Célibataires endurcis, masturbateurs impénitents, vieux garçons inconsolables partez sur le réseau à la recherche de votre moitié. Plusieurs sites vous promettent l’âme sœur. Alors, pourquoi se priver ?
Beatles - Best-of
John Lemon et Paul Mc Arthy ? C’est qui ces blaireaux avec des têtes de premiers de la classe qui sourient bêtement aux photographes ? Top ringards avec leurs costumes de garçons d’étages, on dirait un boy’s band façon Barbie et Ken de chez Matel. Quoi ? une compil’ de 27 numéros 1 aux États-Unis et en Angleterre ? C’est quoi c’te hallu ?
Cent fois sur le métier… Zend Avesta Remix
Ce qu’il y a d’agaçant avec les chefs-d’œuvre, c’est qu’ils effacent toute idée de devenir et s’imposent à nous comme absolument nécessaires.
Cabrel chez Heidegger : Rodolphe Burger et Olivier Cadiot - On n’est pas des Indiens c’est dommage
« …Et il nous est donné d’entendre, grâce à cette écoute, le chant de la terre, elle qui tremble et frémit, mais demeure hors d’atteinte du tumulte gigantesque que l’homme organise pour un temps sur sa surface épuisée. »
Radiohead - Kid A
La pochette de l’album l’indique clairement : Radiohead se situe avec son enfant alpha « à six mille pieds au-dessus de la mer et bien au-delà de toutes choses humaines », dans des hauteurs glacées et volcaniques dont parle Nietzsche pour décrire le vrai lieu des créateurs : dans la plus grande solitude et à la limite de l’asphyxie, mais avec quel aplomb et quelle profondeur de vue.