Comment trouver l’âme sœur sur Internet ?

Avant, pour remédier à la solitude, il y avait la télévision, l’alcool, la drogue et les médicaments – ou les quatre ensemble conduisant parfois malencontreusement au suicide. Désormais, il y a Internet. Célibataires endurcis, masturbateurs impénitents, vieux garçons inconsolables partez sur le réseau à la recherche de votre moitié. Plusieurs sites vous promettent l’âme sœur. Alors, pourquoi se priver ?

« Aimerais-tu rencontrer le garçon ou la fille de tes rêves ? », « Tu peux maintenant bénéficier de la puissance d’Internet pour tirer le meilleur de tes relations personnelles, sans perte de temps et sans effort.En effet, tu pourras trouver facilement l’amitié, l’amour ou le sexe, et peut-être la personne désirée pour ton mariage… », « profite de la promotion d’inscription… » D’habitude, je ne supporte pas que l’on me tutoie, mais là, seul et déprimé depuis trop longtemps, je suis prêt à écouter n’importe qui. Ça s’appelle Friendship World, et ce site trouve tout de suite les mots justes pour me parler : « Résultats garantis, remboursements assurés en cas d’insatisfaction. » C’est trop beau. « Non, ce n’est pas un rêve », « N’attends plus, ne le laisse pas pour demain, va vite t’inscrire !” Il suffit de remplir une fiche de présentation, accompagnée d’une photo, et celle-ci est présentée aux autres membres pour la modique somme de douze dollars US.

Des pigeons pour sauver les animaux

Ça a l’air si simple, et si convivial. Je remplis ma fiche. Les critères : âge, normal ; nationalité, bien sûr ; niveau d’études, OK ; profession, mouais ; race, ah tiens ? religion,«  idéologie politique  », houla  ; et défauts physiques, hum. D’un coup, je me sens moins le bienvenu. Pas très Friendship tout ça. C’est même pire que dans la vie quotidienne, ces catégories socioculturelles. Je découvre ensuite qu’il faut repayer à chaque présentation. À douze dollars pièce, ça fait cher les présentations. Certes, les réponses sont garanties, mais un peu plus bas, en plus petit, est écrit qu’en s’inscrivant on est obligé de répondre aux sollicitations des autres membres, sous peine d’exclusion. Très friendly en effet. J’apprends aussi qu’une grande partie des bénéfices est prétendument offerte à des organisations humanitaires telles que Green Peace. Difficile à croire. Ça pue l’arnaque à plein nez, ce truc. Laissons de côté les relations internationales et faisons dans le local.

Goût du terroir

Urbarencontres propose comme son nom l’indique de faire des connaissances dans sa ville. Parcours un peu rapide des annonces sur Paris : Karen, 20 ans :« je me sens seule et je veux uniquement des amis  »  ; Sandrine, 25 ans :«  je veux des mecs, encore des mecs. » Mona, elle, « aime  le hard rock, la Formule 1, le rugby, les virées dans les bars entre copains », euh…y’a autre chose qu’une frigide, une salope et un pote  ? Je crois que je vais faire plutôt dans le régional. Aquicharme, en Aquitaine, est un site « pour ceux qui recherchent autre chose qu’un morceau de viande », ah ben c’est tout à fait moi, ça. Qu’est-ce qui propose ? « Mélangisme », échangisme, échangeo-mélangisme, soirée impaire, «  multi-pénétration », « le sexe pour le sexe », etc. Me voilà rassuré. Et eux qui avaient peur d’être confondus avec une boucherie-charcuterie. Non, décidément, ce n’est pas là que je trouverai la femme de ma vie. Essayons l’authenticité dans la différence.

J’ai pas un peu grossi, moi  ?

AllegroFortissimo est contre la dictature de la forme et contre le concept de «  maigritude. » Ouais ! Enfin des personnes un peu authentiques. Ils jouent Rubens et Botero contre Giacometti et Modigliani, quel combat ! Après la gauche plurielle, la beauté plurielle, excluant bien sûr tout « voyeurisme, vulgarité, et attirance perverse. » Quelques annonces en vrac : « bonjour, j’ai 27 ans et je pèse 130 kg », « bonjour, je mesure 167 cm pour 160 kg », ah quand même. Une s’est perdue : « je mesure 160 cm et pèse 75 kg », « n’aime ni les gros ni les maigres » et elle  est« allergique aux chats », qu’est-ce que tu fous là, fausse grosse mais vraie cloche ? Leurs loisirs communs à toutes ?« restaux et cinés », ceci explique peut-être cela. Courage les filles. Quant à moi, il ne me reste plus que la solitude forcée, les parts individuelles de chez Leaderprice et l’orgasme fade suivi de sanglots devant l’érotique du dimanche soir… Chienne de vie.

BIOGRAPHIE

Frédéric Gournay est né en 1969 et habite Paris. Il est auteur de romans (La course aux étoiles, Le mal-aimant, Contradictions, Faux-Frère), de divers essais (sur Rimbaud, Nietzsche, Céline, Gauguin, Flaubert, Guy Debord ou encore Pierre Guyotat). Il a également publié dans la presse et sur internet des articles et des critiques, rassemblés dans des recueils intitulés Chroniques des années zéro, Textes en liberté et Futurs Contingents.

Portraits de social-traîtres
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