Le faux décryptage de Culture Pub

Contrairement à ce que Beigbeder prétend un peu partout, la pub ne ment pas, ne triche pas, ne truque pas ; elle est limpide, elle est tellement conne qu’on n’a besoin de personne pour la « lire. » Pourtant, tous les dimanches soirs depuis dix ans sur M6, deux gros s’évertuent à penser le contraire.

Culture pub est une émission qui s’avère à peu près aussi excitante et vulgaire que le film de cul chic-soft qu’elle précède. Elle repose d’ailleurs sur le même principe qui a fait ses preuves et son succès : l’art de dévoiler sans rien montrer, afin de satisfaire la curiosité et les désirs misérables de branleurs impénitents. Elle s’évertue donc à exhiber gentiment les mécanismes et les rouages de la publicité, des exigences inavouables de l’annonceur jusqu’aux secrets intimes de tournages, nous mettant ainsi dans les secrets de l’alcôve publicitaire et satisfaisant notre voyeurisme inné. Qu’il est bon de voir à quel point on nous prend pour des cons, et avec quelle grossièreté on nous renvoie à la gueule nos désirs les plus bas.

Un vieux bedonnant et son impatient faire-valoir enfoncent des portes ouvertes

Franchement, a-t-on besoin de quelqu’un, et à plus forte raison d’un présentateur-producteur pété de thunes secondé d’un rondouillard excité aux chemises indicibles, soutenus par toute une équipe rédactionnelle rompue aux techniques marketing et aux savoirs socio-psychologiques, pour saisir que la pub cherche à tout prix et par tous les moyens à nous vendre n'importe quoi ? Et nous qui croyions que la pub c’était de l’art ! Que ça délivrait des messages et que ça proposait des modèles de vies indépassables aux référents absolus. Heureusement, ils sont là pour séparer le grain de l’ivraie, pour nous expliquer qu’il y a du bon et du mauvais marketing, que par exemple, après enquête et réflexions, Halloween, c’est bien une opération commerciale et non une fête traditionnelle française.

De faux critiques en vrais cyniques

Prétendant la plupart du temps dénoncer d’un côté les excès du marketing-roi et les dérives du mercantilisme, honorant de l’autre l’esprit de création et le vent de liberté qui soufflent dans le monde de la pub, Culture Pub et ses présentateurs se situent en fait au milieu d’une contradiction qui fait toute leur insupportable  ambiguïté. Ils passent leur temps à saluer des « valeurs » (originalité, moralité, créativité, pertinence, intelligence, etc.) dans un système qui n’en admet aucune, cherchant inlassablement à nous faire passer des produits pour des œuvres et des slogans pour des aphorismes. Le plus pervers certainement, c’est cette propension à honorer les publicitaires les plus « intelligents » aux dépens des autres, alors que les deux ne visent qu’une seule et même chose. Qu’on ait réussi à vous vendre un truc par des méthodes grossières ou avec élégance, qu’est-ce que ça change ? Que la morale ait servi la cupidité, il faut vraiment regarder M6 et Culture Pub pour le redécouvrir et s’en émerveiller.

BIOGRAPHIE

Frédéric Gournay est né en 1969 et habite Paris. Il est auteur de romans (La course aux étoiles, Le mal-aimant, Contradictions, Faux-Frère), de divers essais (sur Rimbaud, Nietzsche, Céline, Gauguin, Flaubert, Guy Debord ou encore Pierre Guyotat). Il a également publié dans la presse et sur internet des articles et des critiques, rassemblés dans des recueils intitulés Chroniques des années zéro, Textes en liberté et Futurs Contingents.

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